jeudi

Article méritant réflexion...(Internet 21/06/07)


"Rares sont les maisons où l'alcool n'a pas ses victimes, ses esclaves. Il y a ceux qu'il a ruinés, ceux qu'il a mutilés. Les couples défaits, les fortunes dispersées, les professions abandonnées." Les mots sont extraits de Pays perdu (1), un roman de Pierre Jourde. Ils décrivent un village, Lussaud, dans le Cantal, et ses habitants, une trentaine de personnes, agriculteurs pour la plupart. Certains n'ont pas apprécié la lecture de ces lignes, fresque de la vie dans les campagne, des lignes peu flatteuses pour ce hameau d'Auvergne où les dieux s'appellent "l'Alcool, l'Hiver, la Merde et la Solitude". Alors, ils ont répondu à leur manière à la violence des mots : avec les poings. Jeudi, ces cinq habitants comparaissent devant le tribunal d'Aurillac pour avoir frappé Pierre Jourde et sa famille.
C'était le 31 juillet 2005. L'écrivain arrive avec sa concubine et leurs trois enfants dans le village cantalien, où sa famille possède une maison depuis trois générations pour y passer des vacances. Deux ans plus tôt, la sortie de Pays perdu a creusé le sillon d'une animosité dans le village. Il reproche à Pierre Jourde de réveiller des histoires de famille douloureuses et de caricaturer ses habitants, facilement identifiables dans les lignes. Ainsi, "ce jeune homme de trente ans, intelligent, doué, et qui a dû être assez beau ne conduit plus sans embarquer son petit fût de mauvais vin dans la voiture : le voici métamorphosé en polichinelle bouffi et violacé (...) Il y a perdu son métier et se retrouve cantonnier."
"Ça ressort trop fort par écrit"
Alors ce jour d'été, l'arrivée du Parisien est l'occasion d'une ferme explication. Deux femmes l'attendent devant son garage, elles l'accueillent en l'insultant. Un vieux villageois arrive, le frappe. L'écrivain tente de calmer les esprits, puis se défend. Nouvelle salve de coups. Pierre Jourdain conseille à sa compagne et ses enfants, dont un bébé de 15 mois, de fuir. D'autres villageois s'en mêlent. Insultes, coups, bousculade. La famille Jourde reprend le chemin de la capitale.
L'écrivain s'était déjà mis à dos le milieu littéraire parisien qu'il a stigmatisé dans La Littérature sans estomac. Pour Pays perdu, il disait ne pas comprendre pourquoi il suscitait des "réactions qui dépassent les mots". "Je ressens tout très violemment et comme j'ai beaucoup de mal à parler, ça s'enfonce dans un trou insondable et ça ressort trop fort par écrit", expliquait le romancier par ailleurs universitaire au journal Libération en septembre 2005. Pour lui, "son roman est une description de la beauté qui gît jusque dans les choses les plus triviales".
"Les habitants, et mes clients principalement, ont été humiliés par ce livre qui dévoile leurs secrets les plus intimes", explique Me Gilles-Jean Portejoie, défenseur de quatre des cinq prévenus. "Pierre Jourde n'a pas cherché à comprendre ces gens-là, estime l'avocat. Il a fait un travail d'ethnologue un peu superficiel, relatant leur vie sans chercher à percer leur véritable secret, sans chercher à sonder les tréfonds". Pour lui, cette affaire est disproportionnée. "Et ça l'est parce qu'elle implique une personnalité parisienne", juge-t-il un peu amère. Il rappelle qu'un de ses clients a porté plainte elle aussi pour coups et blessures mais que contrairement à Pierre Jourde, la Justice ne l'a pas écouté. "Toujours deux poids, deux mesures".
(1) Pays perdu, éditions L'Esprit des péninsules, 2003.

2 commentaires:

Cergie a dit…

Qu'il est joli ton blog ainsi avec la bannière au dessus qui est si gaie, si colorée
J'aime beaucoup la couleur du fond. Ce beige ressemble à un vieux parchemin, il est si reposant pour les yeux.C'est chouette d'avoir un endroit où dire ce qu'on a pensé d'un livre, car je ne sais si cela te fais le même chose qu'à moi, je peux lire un livre dix fois, chaque fois je découvre de nouveaux aspects, c'est comme si je ne l'avais jamais ouvert avant
Alors écrire ce qu'on a ressenti auparavant, on peut le retrouver quand c'est écrit quelque part.

J'ai lu aussi "sur la route de madison", je n'ai pas trouvé que c'était une bluette
C'est très vrai
L'amour que se portent Robert et Francesca aurait il été aussi magnifique s'il n'avait été sublimé par la séparation ?

Unknown a dit…

Bonjour,

Cette histoire est quand même dérangeante car il est difficile de ne pas se mettre à la place des 2 parties... et de leur donner raison à toutes deux.

J'écris moi-même et je dois dire que je ne sais pas comment je ferais pour écrire sans parler des choses, des gens, des pays, etc. que je connais. Je n'ai aucune imagination et elle ne m'intéresse pas, je préfère broder, travestir, modeler, ré-inventer à la rigueur mais imaginer une histoire, c'est hors de ma portée (c'est peut-être pour ça que je ne suis pas publié...). Alors, je comprends l'écrivain.
Mais quand on se met à la place des habitants d'un petit village et qui se reconnaissent dans le bouquin sous des aspects qu'ils préfèreraient ne pas mettre en lumières, on partage aussi leur point de vue.

Mais j'ai toujours un préjugé favorable envers la liberté d'expression donc je pencherais plutôt pour l'écriture. Pourquoi l'écrivain ne propose-t-il pas son aide pour écrire avec les habitants une autre histoire : celle des villageois, de leurs visions des choses, etc.?

a+